La polémique à propos de la non-promulgation de la nouvelle loi électorale enfle de jour en jour. Les constitutionnalistes ayant exprimé leur avis, les politiciens prennent le relais. Même ceux qui s’opposaient à la loi dénoncent maintenant «la grave violation de la Constitution commise par le chef de l’Etat» et l’appellent à parler au peuple «pour dissiper toutes les rumeurs et lever tous les doutes»
«Le président Caïd Essebsi n’a pas paraphé la loi électorale parce qu’il refuse la logique de l’exclusion et les amendements taillés sur mesure pour certaines parties».
Ainsi, parlait, samedi 20 juillet, Noureddine Ben Ticha, conseiller principal auprès du chef de l’Etat, croyant mettre un terme à la polémique constitutionnelle née à la suite de la décision de refuser de parapher la loi en question et insinuant, peut-être, que l’heure n’est plus à la contestation, à l’analyse et à l’interprétation du comportement du chef de l’Etat mais plutôt à accepter les choses telles qu’elles sont et à se mobiliser pour que les élections législatives et la présidentielle se déroulent sur la base de l’ancienne loi électorale.
Et à saisir les propos de Noureddine Ben Ticha, les avis exposés par Salsabil Klibi, qui soutient que la position du président Caïd Essebsi constitue «une violation de l’article 81 de la Constitution», les analyses du juge administratif Ahmed Souab, évoquant la possibilité d’activer les mécanismes de révocation du chef de l’Etat ou les avis avancés par Jawher Ben Mbarek qui souligne qu’à l’expiration des délais constitutionnels sans que le président ne signe les amendements, il est possible de considérer les amendements applicables, n’étaient plus d’actualité et la polémique a vécu.
Sauf que les vœux ou les attentes de Noureddine Ben Ticha se trouvent confrontées à la vague de contestations qui sont exprimées, cette fois, par des personnalités dont certaines se sont déjà opposées à la loi en question mais refusent maintenant que le chef de l’Etat «vide la Constitution et rejette la loi en décidant de ne pas la parapher».
Ainsi, Dr Mustapha Ben Jaâfar, ancien président de l’Assemblée nationale constituante (ANC), vient-il de publier une déclaration dans laquelle il estime que la décision du chef de l’Etat «est un précédent très grave et une violation flagrante de la Constitution, ce qui constitue un coup très dur au processus d’édification de la deuxième République et de la consécration de la jeune expérience démocratique».
Tout en rappelant qu’il a déjà exprimé son opposition à la loi en question qu’il considère comme taillée sur mesure pour écarter certaines parties de la vie politique», Dr Ben Jaâfar insiste : «La non-promulgation de la loi dans les délais constitutionnels représente une violation grave de la Constitution et de ses dispositions».
Pour conclure et après avoir dénoncé certaines pratiques qu’il considère comme «instrumentalisant la loi et les institutions de l’Etat à des desseins individuels aux dépens de l’unité de l’Etat et sa stabilité», Dr Ben Jaâfar fait part «de son rejet catégorique de ces pratiques qui poussent le pays vers l’inconnu».
De son côté, Mohamed Abbou, secrétaire général du Courant démocratique, appelle le chef de l’Etat à «parler au peuple et à éclairer les Tunisiens sur les raisons qui l’ont poussé à refuser de parapher les amendements en question».
«L’apparition publique du chef de l’Etat, ajoute-t-il, mettra un terme aux doutes et aux rumeurs qui vont jusqu’à affirmer que le président est l’otage ou sous la pression de certains de ses proches qui ont intérêt à ce que la nouvelle loi électorale ne soit pas promulguée et qui ont tout fait pour que le président ne puisse pas avoir accès à tous les documents ou qui l’ont carrément empêché d’accomplir ses fonctions convenablement».
Mohamed Abbou ajoute : «En refusant d’exercer ses compétences consistant en la promulgation d’une loi, le président de la République se met dans la position de quelqu’un qui a violé gravement la Constitution».